LES ZOUAVES
des origines à 1940...
" On ne peut qu’être impressionné par les souvenirs de bravoure laissés par les zouaves au cours de toutes les guerres, depuis la conquête de l’Algérie jusqu’à la dissolution de toutes les unités (...) Mais tout d’abord qu’est-ce qu’un ZOUAVE ?
Une définition venant de loin, du plus profond de la conviction du peuple de France affirme que c’est un homme intrépide, qui ne craint rien... "
(Général Guedin, 9e Zouaves)
Hommes hors du commun à forte proportion d’engagés volontaires et de rengagés, dotés d’un intense esprit de corps, ce qui explique la ténacité, la force et la cohésion au sein des divers régiments.
Cette aventure commence le 14 juin 1830, lorsque la France débarque à Sidi-Ferruch...
- 1830 :
C’est l’ordonnance royale du 9 mars 1831 qui régularise la création du Corps des Zouaves, sous Louis-Philippe…
A l’origine, cette troupe est issue de la tribu kabyle des Zwawa, ou Zouaoua, (on francisera le nom en «zouave»), peuplade qui offrit ses services à la France lors des débuts de la conquête de l’Algérie aux côtés du Lieutenant-Général de Bourmont. C’est le Lieutenant-Général Clauzel qui ordonna la levée d’un «Bataillon de Zouaves» recruté parmi les indigènes, dès octobre 1830.
Le 21 décembre de la même année est créé un second bataillon. Il est créé aussi deux escadrons de Zouaves à cheval qui prennent vite l’appellation de «Chasseurs indigènes» puis «Chasseurs d’Afrique» (17 novembre 1831). Le Chasseur d’Afrique est à la cavalerie ce que le zouave est à l’infanterie.
- 1833 :
Après l’euphorie des débuts, deux erreurs majeures empêchent le développement normal du «Corps des Zouaves». En effet, les capacités de recrutement en indigènes de la région d’Alger ont été largement surestimées, et plus grave encore, aucun des cadres français n’a pensé à l’adaptation à l’activité militaire d'indigènes ayant d’autres habitudes de vie et une autre religion.
Ceci provoque l’ordonnance du 7 mars qui dissout les deux bataillons pour en créer un seul, mais mixte. Ainsi on peut recruter aussi parmi les Français qui vivent à Alger, qui porteront eux aussi la tenue orientale. Les résultats ne se font pas attendre et dès 1835 un deuxième bataillon mixte est levé, puis un troisième en 1837.
- 1841 :
Paradoxalement, l’accroissement de volontaires français empêche le recrutement normal des autochtones, ceux-ci en effet préférant se retrouver entre eux dans des unités homogènes. Ainsi l’ordonnance du 8 septembre, qui réorganise la composition de l’infanterie en général, indique la formation d’un régiment de Zouaves formé de trois bataillons. Mais la nouvelle particularité essentielle et fondamentale dans la politique de recrutement, est que les troupes indigènes ne font plus partie de ce Corps. Les Zouaves sont dorénavant exclusivement d’origine française. Les autochtones forment alors les Tirailleurs (7 décembre 1841).
- 1852 :
Le 13 février, Louis-Napoléon signe un décret portant à trois le nombre de régiments de Zouaves, chacun des trois bataillons existants formant le noyau des nouveaux régiments ainsi créés. Et pour les distinguer entre eux, une couleur est appliquée au tombeau de la veste :
- le 1er cantonne à Blidah en Algérois, tombeau (tombô) garance (région militaire d'Alger)
- le 2e à Oran (caserne du Château Neuf) en Oranais, tombeau blanc (région militaire d'Oran)
- le 3e à Philippeville (caserne de France) en Constantinois, tombeau jonquille (région militaire de Constantine)
- 1854 à 1856 :
Les régiments sont appelés dans de nombreuses opérations en Kabylie. Puis en avril 1854, les Zouaves partent en Crimée contre les Russes, où ils se font remarquer notamment au siège de Sébastopol (batailles d’Alma et de Malakoff), ce qui incite l’Empereur Napoléon III à créer un régiment de Zouaves pour sa Garde impériale en récompense.
Carte Postale : le Drapeau du 2e Zouaves - Collection de l'auteur
- 1859 :
Entre plusieurs escarmouches contre des tribus sans cesse en révolte en Kabylie, la campagne d’Italie contre les Autrichiens est engagée. Et c’est aux batailles de Magenta et de Solférino que brillent nos zouaves. Le Drapeau du 2e Zouaves se pare ainsi de la Légion d’Honneur le 20 juin.
- 1861 à 1864 :
C’est pour la France la mésaventure au Mexique, où le 2e puis le 3e Zouaves se distinguent. Pour couvrir les immenses étendues mexicaines, l’idée des zouaves montés resurgit, ainsi est recréer, de façon éphémère, des escadrons de Zouaves à cheval. Le 9 novembre 1863 le Drapeau du 3e Zouaves est décoré de la Légion d’Honneur.
En même temps des opérations au Maroc commencent.
- 1866 :
En marge de l’histoire officielle de l’armée française, le 11 avril une circulaire du Maréchal Randon autorise la création de la “Légion d’Antibes” qui donne naissance à un bataillon de Zouaves pontificaux, pour la plupart des Français (au service des Etats du Saint-Siège en Italie), cette création était déjà l’idée de Juchault de La Moricière (figure légendaire, ancien officier charismatique au 2e Zouaves, il devient ministre de la guerre en juin 1848, puis il choisit l’exil sous le second Empire), qui ainsi dirige un corps d’élite qui ajoute aux traditions d’héroïsme des zouaves d’Afrique l’idée chrétienne de l’abnégation et du sacrifice.
Il est à noter aussi qu’aux Amériques, pendant la guerre de sécession entre Confédération et Union, le prestige de l’armée française est tel que dans les camps du Nord et du Sud sont constitués des régiments de Zouaves, dans lesquels s'enrôlent de nombreux volontaires souvent d’origine française.
- 1870 :
Juillet 1870, la France déclare la guerre à la Prusse et malgré les infortunes des combats, les régiments de Zouaves se couvrent de gloire, surtout à Froeschwiller et à Woerth où les trois régiments sont fort éprouvés dans des charges désespérées à la baïonnette de leurs fusils Chassepot.
Le régiment des Zouaves de la Garde impériale s’engage dans les combats de Rezonville, mais après le drame de Sedan et au lendemain de la proclamation de la République, il sera dissout.
C’est alors au sein de l’armée de la Défense nationale que le 28 octobre 1870 est levé le 4e régiment de Zouaves qui participe aux batailles de Châtillon, Villiers sur Marne, Champigny ou encore Héricourt dans l’Est. Mais ce sera la terrible défaite pour la France qui ébranlera l’armée française et ses zouaves.
- 1881 :
La Tunisie passe sous Protectorat français, Tunis (caserne Saussier et La Manouba) et Bizerte (caserne Japy) deviennent les villes de garnison du 4e Zouaves. La couleur du tombeau de sa veste est le bleu foncé, couleur du fond.
- 1883 - 1900 :
Les événements à Hanoï au Tonkin contraignent la France à envoyer nos troupes en Indochine et les zouaves prennent tout naturellement part à cette campagne. Il sera créé aussi un «régiment de marche de zouaves» pour l’expédition de Chine en 1900, dissout après cette même expédition.
Carte Postale : Les zouzous - Collection de l'auteur / Don de Luc Degonville - AAACM
- 1901 :
Suite à la loi du 9 février 1899, chaque régiment de Zouaves détache un bataillon en métropole. Le 5e bataillon des 1er et 4e vient autour de Paris (Forts de Rosny, Choisy et Nogent), et pour les 2e et 3e régiments, ces bataillons cantonnent près de Lyon (camps de Sathonay et La Valbonne), ce qui rend familier et populaire la tenue des zouaves parmi la population.
Carte postale Anna Palm de Rosa - Coll. de l'auteur
- 1907 - 1912 :
Nombreuses opérations au Maroc, qui aboutiront par la Convention de Fès en 1912 et au Protectorat français de cette région. Les zouaves détachent au total huit bataillons au Maroc, par le biais des « régiments de marche ».
- 1913 :
Le service militaire de trois ans (loi du 7 août 1913) permet la création de nouveaux bataillons, ce qui entraîne la naissance du 5e et du 6e régiments de Zouaves le 15 avril 1914. Toutefois, nous n’en retrouvons pas trace par la suite, s’agit-il d’une simple création administrative ? (Toute information nous intéresse à ce sujet : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser. ).
Zouave du 8e régiment en tenue de Tradition dite "à l'orientale", vers 1938 à Mourmelon.
Photo : Philippe Charbonnier - Militaria Magazine
- 1914 - 1918 :
Suivant le plan de mobilisation, les zouaves prennent part à la Grande Guerre par «régiments de marche de Zouaves» (R.M.Z.), ce qui permet de laisser en Afrique du Nord une unité de dépôt correspondante. Quelques régiments se composent de bataillons de Zouaves et de Tirailleurs, ils forment alors les «régiments mixtes» (R.M.Z.T.).
Août 1914, arrivent au front des bataillons sortis des quatre régiments d’active. (les bataillons du 2e régiment de marche servent au Levant)
En décembre 1914 et en janvier 1915, se forment de nouveaux régiments de Zouaves :
Trois formés en Algérie :
- le 7e (issu de bataillons des 1er et 4e Zouaves), qui deviendra mixte, puis finalement RMTA (régiment de marche de tirailleurs algériens)
- le 2 bis (issu de bataillons de réserves du 2e Zouaves)
- le 3 bis (issu de bataillons de réserves du 3e Zouaves)
Deux formés au Maroc :
- le 8e (issu des bataillons suivants : I/1er, III/2e, II/3e et IV/3e Zouaves)
- le 9e (issu des bataillons suivants : II/1er, III/1er et I/4e Zouaves)
Après les premières batailles, l’Etat-major consent à réformer la tenue du zouave jugée trop voyante et inadaptée pour le théâtre des opérations en métropole (de même que celle du tirailleur) en adoptant en 1915 la tenue de drap kaki (dite : «moutarde») si caractéristique de l’armée d’Afrique et des troupes coloniales d’alors. Seules la chéchia et la ceinture de laine bleue permettent de discerner les zouaves des autres combattants, et de très près les pattes de collet de fond kaki à soutaches et numéros garance.
Il serait trop long de rappeler les glorieux faits d’armes des régiments, mais citons simplement que :
- quatre des régiments de zouaves se parent de la fourragère rouge de la Légion d’Honneur : les 4e (le 05/05/1918), 8e (03/09/1918) et 9e Zouaves (25/12/1918) : avec sept citations, le 3e (09/02/1919) : six citations. Notons aussi le 4e RMZT (régiment mixte de zouaves et tirailleurs)(04/10/1918).
- les 1er (le 28/09/1918) et 2e régiments (15/10/1918) obtiennent la fourragère verte et jaune de la Médaille militaire, cinq citations chacun, ainsi que le 3ebis (10/12/1918) avec quatre citations. Citons aussi le 1er RMZT (28/09/1918).
- et enfin le 2ebis (10/12/1916) qui obtient également la fourragère de la Croix de guerre 1914-1918, verte et rouge avec une citation
Le 5 juillet 1919 les Drapeaux des 8e et 9e Zouaves sont décorés de la Légion d’Honneur et le 3e Régiment de la Médaille Militaire.
Au vu des citations accordées, il est aisé de remarquer que les régiments de Zouaves, mais aussi et en général toutes les troupes d’Afrique, étaient souvent employés lors d’assauts désespérés et meurtriers, les hommes réduits en «chair à canon» et les régiments maintes fois anéantis, remaniés et reformés.
Ainsi les Zouaves donnèrent plus qu’on avait estimé qu’ils pourraient fournir…
- 1919 - 1920 :
Démobilisation et liquidation des régiments de marche issus de la Grande Guerre. On ne conserve que six régiments (Les quatre «vieux», ainsi que les 8e et 9e ).
-1920-1927 :
Le 2e Zouaves fait campagne au Maroc. Mais les autres régiments sont représentés par un ou plusieurs bataillons lors de la guerre du Rif en 1925 et 1926.
Gravure Maurice Toussaint - Coll. de l'auteur
- 1927 :
Le 13 juillet, une loi reconditionne la structure militaire en spécifiant que cette organisation doit en outre pourvoir, en tout temps, à la défense des colonies et pays de protectorat, et de s’adapter aux exigences nouvelles. C’est ainsi qu’une distinction rigoureuse est établie entre celles de nos forces permanentes qui ne doivent pas quitter le territoire métropolitain et celles auxquelles échoit normalement la protection de nos colonies.
Les Zouaves font donc normalement partie de ces forces appelées troupes d’Afrique, et couvrent nos départements d’Afrique du Nord (Algérois, Constantinois et Oranais), ainsi que la Tunisie et le Maroc, alors en statut de protectorat.
Chaque régiment ayant normalement 1.580 hommes, se disposent ainsi :
** Trois régiments de zouaves en Algérie :
- Le 8e à Oran, (dissous en 1928, il prendra le numéro “2” après la reformation du 8e, motorisé, à Mourmelon en 1934)
- Le 9e à Alger, Fort-National et Aumale
- Le 3e à Constantine, Philippeville et Batna
** Un régiment en Tunisie :
- Le 4e à Tunis et Le Kef
** Deux régiments au Maroc :
- Le 1er à Casablanca et Ouezzane
- Le 2e à Oujda et Aknoul (en limite du Maroc espagnol)
Zouave du 9e régiment, campagne de France 1939-1940
Photo : Philippe Charbonnier - Militaria Magazine
- 1939 - 1940 :
A la mobilisation de septembre 1939, les régiments sont renforcés par l’arrivée des réservistes qui les porte à l’effectif de guerre. Ainsi ils passent de 1.850 hommes à entre 2.400 (effectif normal d’un régiment de tirailleurs, pour mémoire) et 3.000. Observons de plus près, par exemple, le cas du 4e Zouaves : celui-ci passe à 81 officiers, 342 sous-officiers et 2.667 zouaves, dès octobre 1939.
L’armée française engage quinze régiments de zouaves en 1939 :
Six régiments actifs, dont les garnisons d’origine sont :
1er Zouaves : Casablanca (caserne Heudes), Ouezzane et Albi (LCL Fromentin)
2e Zouaves : Oran (caserne de Château Neuf), Nemours et Castelnaudary
3e Zouaves : Constantine (caserne de la Casbah), Sétif (caserne des Zouaves) et Philippeville (caserne de France) (Col Chartier)
4e Zouaves : Tunis (caserne Saussier et de la Casbah), La Goulette et Le Kef (camps des oliviers) (Col Ablard)
8e Zouaves : Mourmelon (LCL Anzemberger)
9e Zouaves : Alger (caserne d’Orléans), Aumale et Fort National (caserne Rullières) (LCL Tasse)
Cinq régiments formés en métropole :
11e Zouaves : Belley (LCL Bousquet)
12e Zouaves : Avignon (Col Tissané)
13e Zouaves : Castelnaudary (LCL Pothuau)
14e Zouaves : Lyon (LCL Bousquet)
15e Zouaves : Issoudun
Seuls quatre de ces régiments formés en France sont affectés à des divisions, le 15e Zouaves reste à l’état de centre mobilisateur.
Quatre régiments sont créés en Afrique du Nord, et y sont restés comme régiments de dépôt et de protection :
21e Zouaves : Meknès
22e Zouaves : Oran et Tlemcen
23e Zouaves : Constantine, Sétif et Philippeville
29e Zouaves : Alger
Alger, Caporal-Chef du 9e régiment de Zouaves en tenue de toile, été 1940
Photo : Philippe Charbonnier - Militaria Magazine
L’armée française lève donc quinze régiments de Zouaves lors de la mobilisation de septembre 1939…
Pendant la campagne de France de 1940, les régiments de Zouaves sont jetés dans la bataille sans réels moyens et sont sacrifiés, comme leurs aînés de la Grande Guerre, sans le moindre profit stratégique. Ils sont bousculés, brisés, pris sous le feu de l’aviation et de l’artillerie adverse et sont pour la plupart capturés…
Ces régiments ne s’en conduisent pas moins honorablement et pourtant… Évoquons par exemple la résistance héroïque du 9e Zouaves sur le canal de l’Ailette, la ténacité du 1er Zouaves à la montagne de Reims, le panache du 4e Zouaves à La Roche-Posay ou encore le sacrifice du 8e Zouaves à Dunkerque lors de l’opération « Dynamo »…
à suivre...
JFCatteau – F40 - 2001
Carte postale Paul Barbier - Coll. de l'auteur